Triptyque Corse

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Bout du monde / porte ouverte vers l’infini

Galéria c’est le bout du monde. On dit de ce qui y vont qu’ils font un «détour» par Galéria. Pourtant, on peut choisir de ne faire que passer par ce village corse situé entre Porto et Calvi pour aller aux derniers endroits accessibles en voiture : le port, le hameau de Calca. Galéria devient alors une étape sur cette route vers les extrémités. Sur les chemins de randonnée, Galéria n’est d’ailleurs pas comprise comme une fin, une arrivée, mais comme un lieu de passage du Tra Mare e Monti. Ces extrémités permettent en réalité d’outrepasser les limites, elles sont des portes d’entrées vers l’infini : au port, en prenant de la hauteur on sort visuelle- ment de la baie et on découvre la réserve de Scan- dola. A Calca, en empruntant les chemins de randonnée on quitte la vallée en rejoignant les lignes de crêtes. S’offre alors à nous l’immensité de Girolata.

Sérendipité au bout de la baie de Galéria

La Corse est un territoire de sérendipité : il faut se perdre pour comprendre, découvrir les choses aux hasard. Nous même en avons fait l’expérience en revenant souvent sur nos pas lorsque nous nous aventurions dans des chemins qui étaient finalement des impasses. Lors de la randonnée du Tra Mare e Monti, c’est en nous trompant de chemin que mou avons découvert la ballade possible sur les traces de l’ancien aqueduc. Lors de cette même ballade, c’était toujours un étonnement de rencontrer des points d’eau. En réalité, le local, qui connait ses montagnes, sait qu’il y a toujours de l’eau sur sa route. Les choses sont là, proches de nous, mais elle ne nous sont pas données directement.

Dans le centre historique du village par exemple, des pièces communes viennent se créer dans le tissu. Les usages privés ou public n’y sont pas clairement définis. Les logements n’y sont pas uniquement intérieurs, certains habitants sortent de chez eux et traversent un chemin pour accéder à leur cuisine. D’autres sortent des pièces de nuits, empruntent un escalier extérieur et descendent dans leurs pièces de vie. Il faut s’aventurer et expérimenter le village pour les découvrir et savoir qu’un petit passage peut nous mener à l’une de ces pièces urbaines vécues comme des espaces communs où on y habite nous seulement des pièces intérieures mais également des pièces extérieures.

Les anciennes habitations sont d’ailleurs remarquables pour leur simplicité et leur efficacité. Par exemple, la cousine de Pierrette, une habitante rencontrée lors du voyage, habite quatre pièce. Pour aller dans les différentes pièces, il faut passer de l’une à l’autre. Les murs, très épais, permettent de réguler la température mais permettent également de créer des niches nécessaires au rangement. Tout y est très optimisé, il n’y a aucune perte d’espace. Lorsque la cousine de Pierrette veut se doucher, elle sort de chez elle pour aller dans une autre pièce, situées sous son logement. Ca ne la gêne pas de sortir en serviette et des croiser des passants.

Lorsque que je rencontre ces deux habitantes, elles sont toutes les deux assises sur le seuil de leur porte, à l’image des bergers dans les anciens hameaux pastoraux. Les cabanes des bergers étaient des constructions efficaces avec pour seul ouverture la porte. Seul signe de confort, un banc était placé devant leur habitation. On habite alors des murs qui permettent à la fois d’être dedans et dehors.

Le banc devient alors pour moi une figure marquante de la contemplation Corse. Plusieurs fois pendant le voyage, j’ai été confronté à cette symbolique du banc. Pierrette, dont la maison n’a aucune vue sur le paysage, me dit que ça lui est égal de ne pas voir la mère depuis fenêtre. Quand elle a envie de rencontrer le paysage, elle descend jusqu’à la plage, s’assoie sur un banc et regarde le coucher du soleil.

En hiver, tout le village est assis adossé aux maisons qui font face à la montagne. A la tour génoise, certaines habitantes marchent jusqu’à ce rendez vous avec la vallée du Fango, s’assoient sur un muret, discutent et repartent.

Ainsi, fort de ces perceptions, les trois projets se construisent autour de celles-ci. A Calca, qui se trouve en fond de vallée, à 60m au dessus du niveau de la mer, d’anciennes cabanes prennent placent sur un plateau et une assise rocheuse. C’est dans ce hameau que s’implantent le programme de logements et le programme libre. Ils s’inscrivent aux derniers endroits accessibles en voiture, à la croisée des chemins de randonnée et à l’hydrographie. En s’aventurant, on découvre l’implantation d’un point de vu, un banc en béton, qui permet de contempler la montagne depuis l’assise rocheuse. Il pourra alors être utilisé par les habitantes de Calca ou par ceux qui l’auront découvert au hasard.

Au port, les derniers éléments visibles sont une grande villa et un parking. Sans aller plus loin, on reste dans la baie de Galéria, ce qui accentue la sensation d’être au bout du monde. Pourtant le port est une porte d’entrée vers Scandola. Le projet s’implante alors de manière à ce que le bout soit habité par un bâtiment public permettant d’accéder une station immobile de contemplation. Il se trouve à la croisée entre le dernier endroit accessible en voiture et un chemin qui permet d’acceder à la Punta Muvrareccia.

corse_galeria_architecture_0 Programme de logement : Carré commun

corse_galeria_architecture_1 Programme libre : La Casa di a Natura

corse_galeria_architecture_2 Programme imposé : Le club de plongée

 

Programme : Un programme imposé dans un site imposé (le club de plongée, dans la zone du port), une programme imposé non situé (des logements), un programme libre non situé (la Casa di a Natura)
Lieu : Galéria, Corse
Année d’étude : Master II
Mention : Grande distinction et Prix du Projet 2015

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